LES IMPOSTEUSES
Portrait de femmes entrepreneures inspirantes
par Le COCAD & microStart
« Les imposteuses » est une exposition photo itinérante qui met en lumière des femmes de divers horizons qui ont osé se lancer dans l’entrepreneuriat.
L’objectif est de rendre l’entrepreneuriat plus accessible aux femmes et de leur donner les mêmes chances que les hommes dans l’aventure entrepreneuriale. Parce que, si les femmes ne se lancent pas autant que les hommes, ce n’est pas par manque de compétences mais bien en raison de barrières spécifiques auxquelles elles doivent faire face.
En Belgique, en 2020, les femmes représentaient 35 % des travailleurs indépendants*. Pourtant, depuis plusieurs années, la croissance du nombre d’indépendants est proportionnellement plus forte chez les femmes que chez les hommes, réduisant ainsi petit à petit l’écart genré dans le monde entrepreneurial belge.
Parmi les barrières que les femmes rencontrent, on retrouve :
- L’accès au financement : on constate sur le terrain un refus au crédit bancaire. Les alternatives telles que les microcrédits sont à promouvoir.
- La confiance en soi : les femmes ont tendance à avoir moins confiance en leurs capacités générales (et donc aussi pour entreprendre) que les hommes.
- L’équilibre vie privée et vie professionnelle : une crainte pour certaines femmes est de ne pas pouvoir concilier suffisamment leur vie professionnelle et leur vie familiale. Avoir une vie personnelle épanouie tout en réalisant ses ambitions entrepreneuriales relève encore du dilemme pour de nombreuses femmes.
- Les préjugés et relations de genre : une femme fera face à plus de préjugés que les hommes, dans un monde où la relation homme-femme n’est pas encore en équilibre, elle l’est encore moins dans le monde entrepreunarial.
- D’autres choses telles que l’intersectionnalité : aux obstacles mentionnés ci-dessus peuvent s’en ajouter d’autres quand on prend en compte l’intersectionnalité. Une femme issue de l’immigration, une femme divorcée, une femme avec un handicap… rencontrera encore d’autres et divers freins pour entreprendre (culturels, contextuels, sociaux, etc.).
- Le syndrôme de l’imposteur : un sentiment d’illégitimité, un manque de confiance en ses capacités... Cela peut paralyser et rendre les femmes vulnérables.
De plus, le manque de représentation n’encourage pas les femmes à se lancer. En effet, le monde entrepreneurial et l’image qu’il donne est encore majoritairement masculin, les femmes manquent de modèles réalistes, inspirants et se sentent ainsi moins légitimes de se lancer comme entrepreneures.
Les objectifs de cette exposition sont multiples :
- Briser les stéréotypes, encourager le leadership féminin et mettre en avant des femmes inspirantes ayant franchi le pas.
- Permettre aux femmes de s’identifier aux profils présentés car la bataille pour l’entrepreneuriat féminin se gagnera aussi sur le terrain des représentations.
- Agir à contre-courant des clichés sur l’entrepreneuriat féminin.
Effectivement, quand on parle d’entrepreneuriat au féminin, on se représente souvent des start-upeuses diplômées et connectées qui réalisent des levées de fonds, ou encore des femmes porteuses de grands projets, à la tête d’entreprises florissantes. Difficile alors pour ces femmes qui entreprennent autrement d’avoir confiance en elles et de se projeter dans la peau d’une cheffe d’entreprise.
« Les imposteuses » explore et présente la diversité des profils entrepreneuriaux qui contribuent au rayonnement de la Belgique.
Le COCAD
Le Collectif Carolo des Africain.e.s pour la Diversité est une association active sur le territoire de Charleroi. Depuis 2012, elle travaille à initier, soutenir toute action favorisant la diversité dans toutes ses composantes. Ces dernières années, le COCAD a éprouvé le besoin de développer des actions qui lui sont propres pour lutter contre les discriminations dont les personnes d’ascendance africaine (immigré.e.s, migrant.e.s et demandeurs-euses d’asile) font spécifiquement l’objet en raison de leur genre, leur origine et de leur classe sociale. Désormais, ces citoyen.nes revendiquent leurs droits : dignité, refus des assignations identitaires (représentation), réappropriation de l’espace public (rue), symbolique (corps), savoir.
microStart
microStart est l’institution de microfinance leader en Belgique qui défend l’idée que chaque personne, quels que soient son origine, ses revenus, sa situation sociale ou son éducation, dispose d’un droit inaliénable à l’initiative économique qui lui permette de prendre son destin en main. Depuis plus de 10 ans, ses équipes de salariés et bénévoles financent et accompagnent les (futur.e.s) entrepreneur.e.s dans la création et le développement de leur propre emploi, pour lever les barrières à l’entrepreneuriat.
Créée en 2011, microStart est une initiative de l’Adie, pionnière de la microfinance européenne, de BNP Paribas Fortis et du Fonds européen d’investissement.
Le COCAD x microStart
Les deux institutions sont partenaires depuis plus de quatre ans sur la thématique de l’entrepreneuriat. Au fur et à mesure de la collaboration, le souhait d’organiser des évènements inclusifs tenant compte de la diversité et de la richesse des entrepreneur.e.s est devenu de plus en plus présent. Après avoir organisé les afterworks de l’entrepreneuriat dans le cadre du festival africain carolo, aujourd’hui, la collaboration se renforce pour proposer un projet qui rencontre les ambitions de nos deux structures.
Inspiration
« Les imposteuses », titre de l’exposition, est inspiré du livre « Le syndrome d’imposture » d’Élisabeth Cadoche et Anne de Montarlot. Le livre nous parle du déficit de confiance en soi qui frappe de nombreuses femmes et du syndrome d’imposture qui les rattrape dans leur vie professionnelle. Dans le cadre de cette exposition, une interview des auteures a été réalisée.
Qu’est-ce qui fait que le syndrome d’imposteur affecte plus les femmes que les hommes ?
Elisabeth : « Quand on a écrit ce livre avec Anne, on avait ce pressentiment parce que nous, quand on parlait avec nos amis, on se rendait toujours compte que ça touchait plus les femmes. On a commencé à enquêter sur le sujet, à trouver pléthore de livres sur comment gagner confiance en soi mais ça englobait toujours les hommes et les femmes et ce n’était jamais étudié du point de vue des femmes. Donc, on s’est penchées sur la question et on a lu des livres, des études, etc. Il y a une étude qui avait été faite et qui montrait des chiffres selon lesquels les femmes avaient moins confiance en elles notamment dans les entretiens d’embauche. puis la dernière étude qui disait que, d’une part, ce syndrome d’imposture touchait 70 % des personnes au cours de leur vie avec un chiffre plus important pour les femmes (66 % des femmes et 56 % des hommes). (..) Lors d’interviews, on s’est rendues compte que, même si ça touchait les hommes, l’impact n’était pas du tout le même parce que les hommes vont quand même à l’entretien d’embauche, ils vont quand même demander un rendez-vous alors que les femmes, ça les touche jusqu’au syndrome d’imposture avec quelque chose qui peut être invalidant, handicapant.»
Anne : « On a voulu extraire le syndrome d’imposture du manque de confiance en soi parce que ça touche vraiment les femmes dans leur sphère privée et publique. »
Est-ce que le syndrome de l’imposteur touche de manière différente les femmes racisées ?
Anne : « Il y a clairement un problème de représentation que les femmes ont de toute façon. Par exemple, on s’est rendues compte qu’en général, et en particulier en entreprise, les femmes sont moins représentées dans les cercles de pouvoir. Évidemment, ça se désenclave mais quand on vient en plus avec le sujet de la race, c’est une double peine. Comme ce dont Michelle Obama parle dans son ouvrage, où malgré un parcours stellaire, elle était la femme de l’ex-président des États-Unis, elle se sentait en manque de légitimité parce qu’elle portait aussi le poids/ la responsabilité quelque part de faire un parcours sans faute, une espèce d’injonction parce qu’elle représente d’autres femmes sous-représentées. Donc, c’est une double peine parce que l’imposture qui crée tout un tas de comportements vient de ce manque de légitimité, de ce manque de représentation, de ce déficit d’historique, de manque de place. Donc oui, c’est très clair que lorsqu’on est asiatiques, noires, etc. on est beaucoup moins représentées. Donc, déjà les femmes au pouvoir ne sont pas trop représentées mais encore moins chez les noires, les asiatiques. Donc évidemment, on se sent beaucoup en imposture. (…) La représentation, les rôles models sont très importants dans le syndrome d’imposture. »
Elisabeth : « L’importance de la représentation est quelque chose de crucial. Toutes les petites filles, quelle que soit leur couleur, leur origine, peuvent avoir des modèles. »
Selon les différents profils que vous avez rencontrés, est-ce que selon vous il existe des obstacles qui sont propres au secteur de l’entrepreneuriat ?
Anne : « Ce qui est propre à l’entrepreneuriat, c’est que la personne est seule. Cela peut être un aspect positif ou un aspect négatif. Elle est seule donc elle doit vraiment puiser en elle la force et l’audace pour se lancer. Elle n’est pas entourée d’un manager qui peut un peu l’aider. (…) Il faut vraiment croire en soi et il faut travailler à éliminer toute velléité d’imposture. Il faut savoir s’entourer. »
Elisabeth : « En entrepreneuriat, ce que nous avons constaté dans quelques témoignages (…), c’était aussi le problème de l’âge. Vous acquérez de la légitimité quand vous prenez de l’âge, ce qui est un petit peu ridicule car vous pouvez tout de suite avoir un projet formidable et le succès n’attend pas le nombre d’années. »
Quels seraient les conseils que vous désirez donner à ces femmes qui désirent travailler sur ce sentiment d’imposture qu’elles ressentent ?
Anne : « Il faut revisiter sa façon de penser parce que le problème d’estime de soi et d’imposture qui est un grand déficit de confiance en soi vient de notre façon de penser, non pas d’une incapacité réelle. (…) Le manque d’estime de soi se construit au contact des autres. Il faut revisiter les messages de notre enfance. (..) Il faut arriver à une espèce d’auto-acceptation, pour se connaître, et la confiance en soi c’est ça, savoir qui on est, ce qu’on veut, ce qu’on veut faire. Donc, c’est se connaître dans ses limites, dans ses défauts, c’est vraiment un auto-diagnostic cognitif puisque l’imposture c’est une dissonance cognitive entre ce que l’on peut faire et ce qu’on a l’impression qu’on peut faire. Il faut aussi relativiser et travailler son rapport à l’échec, il faut apprendre à être imparfaite. Quand on a un épisode d’imposture, il faut identifier l’émotion et se demander de quoi est-ce qu’on a besoin au lieu de foncer dans le perfectionnisme (..). Il faut aussi vouloir arrêter de plaire car quand on est dans l’imposture, on veut plaire. »
Elisabeth : « Il faut savoir s’entourer, on n’a pas besoin d’avoir 10.000 personnes autour de soi mais une sœur, une amie, un mentor, un modèle, quelqu’un autour de vous qui vous porte, qui vous conseille et qui se réjouit sincèrement pour vous. Cela, c’est toujours bien pour gagner en confiance. (..) Tenir un cahier de ses succès. Parce que souvent, quand on est en situation d’imposture, on a l’impression qu’on ne sait rien faire, qu’on est nulle, on s’auto-flagelle et on ne se souvient pas de tout ce qu’on a réalisé. Et puis, après, c’est bien de se choisir un rôle model et d’essayer de suivre son exemple. »